18.9.06

L'enthousiasme

"Donc il fallait juste rester à la pluie, avec ce froid intérieur qui retient de bouger. Je ne sais pourquoi cet ordre me donna une joie, dure comme un coup - puis ce sentiment d'abord incertain, qui commença de monter en moi, et qui n'était ni satisfaction, ni inquiétude, rien d'autre qu'un essai d'enthousiasme"

Jean Paulhan - Le Guerrier Appliqué
(c) Editions Gallimard

L'appartement

"For me love is like this: you're in one apartment which you think is fine...You're happy there and then you go into the next apartment and close the door and this one is even better. And the sequence continues, but with the odd feature that although this has happened to you a number of times, you forget: each time your new quarters are manifestly better and each time it's breathtaking, a surprise, something you've done nothing to deserve or make happen."

Norman Rush Mating
(c) Norman Rush 1991

s'abstenir

"La vie, aussi vite que tu l'utilises, s'écoule, s'en va, longue seulement à qui sait errer, paresser. A la veille de sa mort, l'homme d'action et de travail s'aperçoit - trop tard - de la naturelle longueur de la vie, de celle qu'il lui eût été possible de connaître lui aussi, si seulement il avait su de continuelles interventions s'abstenir."

Henri Michaux - Poteaux d'angle
(c) Editions Gallimard 1981

Les signes

"Le monde est plein de signes. Il faut les observer, non aveuglément, cela va sans dire, mais avec bienveillance ; les apprivoiser. Il arrive qu'un jour, tous ces signess s'assemblent d'un coup pour composer le dessin inattendu d'un nouveau, d'un autre monde. Nous sommes environnés de signes, ou discrets, ou éclatants. Il n'est que de les voir. Ils s'offrent à nous avec l'espoir d'être reconnus et accueillis. Nous avons aussi liberté de leur dénier tout sens et de passer outre".

José Corti Souvenirs Désordonnés
(c) Editions José Corti

Tristesse de l'été

"Jamais mieux qu'en ces instants, je n'avais goûté la tristesse de l'été, c'est la saison des feux d'artifice. Tout un monde prêt à disparaître jetait ses derniers éclats sous les feuillages et les lanternes vénitiennes. Les gens se bousculaient, parlaient très fort, riaient, se pinçaient nerveusement. On entendait les verres se briser, des portières claquer. L'exode commençait. Pendant la journée, je me promène dans cette ville à la dérive. Les cheminées fument : ils brûlent leurs vieux papiers avant de déguerpir. Ils ne veulent pas s'encombrer de bagages inutiles. Des files d'autos s'écoulent vers les portes de Paris, et moi, je m'assieds sur un banc. Je voudrais les accompagner dans leur fuite mais je n'ai rien à sauver. Quand ils seront partis, des ombres surgiront et formeront une ronde autour de moi."

Patrick Modiano La Ronde de Nuit

La machine à écrire

"Le scénario avançait bien. Ecrire n'avait jamais été un travail pour moi. Aussi loin que remontaient mes souvenirs, ça s'était toujours déroulé de la même façon : mettre la radio sur une station de musique classique, allumer une cigarette ou un cigare, ouvrir une bouteille. la machine à écrire faisait le reste. Il me suffisait d'être là. Tout ça me permettait de continuer quand la vie elle-même avait peu à m'offrir, quand elle virait au film d'horreur. Il y avait toujours la machine pour m'apaiser, me parler, me divertir, me sauver. Dans le fond, c'est pour ça que j'écris : pour sauver ma peau, pour échapper à la maison de fous, à la rue, à moi-même."

Charles Bukowski - Hollywood
(c) 1989 Charles Bukowski
(c) 1991 Grasset&Fasquelle pour la traduction française