8.10.06

La promenade

"J'ai cru découvrir, mais très tard, un principe de bonheur dans la pensée, la méditation, la songerie, la réflexion, qu'on appelle comme on voudra ce travail d'esprit, de création, de miroitement de la vie que fait n'importe qui, en allant esul, en marchant tranquille. Ma mère était souvent heureuse en cherchant des pissenlits. Elle aimait les champs, les bois, elle aimait ce qu'elle était là. "

Georges Navel - Travaux
(c) Stock 1945

7.10.06

L'abîme

"Un télégramme de sa fille m'apprit, le 9 septembre 1898, la mort de Mallarmé. Ce me fut un de ces coup de foudre qui frappent d'abord au plus profond et qui abolissent la force même de se parler. Ils laissent notre apparence intacte, et nous vivons visiblement ; mais l'intérieur est un abîme. Je n'osai plus rentrer en moi où je sentais les quelques mots insupportables m'attendre. Depuis ce jour, il est certains sujets de réflexion que je n'ai véritablement jamais plus considérés. J'avais longuement rêvé d'en entretenir Mallarmé ; son ravissement brusque les a comme sacrés et interdits pour toujours à mon attention."

Paul Valéry - Variétés

Les portes

"J'ai eu l'impression qu'on faisait de moi un personnage de mauvais films. De mélodrame habilement agencé. A l'instant où, l'homme s'aperçoit qu'il aime une femme, la femme qui l'a aimé jusque là s'aperçoit, elle, qu'elle ne l'aime plus. Je ne crois pas que la vie puisse ressembler à ces mondes mystérieux où on ne peut jamais revenir quand les portes s'en sont refermées."

Jean Eustache - La Maman et la Putain

Le chemin

"Inaccessible ! Mais il y a encore quelque chose de plus inaccessible que l'avenir, c'est le passé. Un certain pont rompu coupe ces expéditions que tant d'artistes ont voulu organiser à la recherche du temps perdu. Il n'est plus temps, dit l'horloge. Arrivés à la vieillesse, nous sentons que nous avons fait la plus grande partie de notre route, les oreilles closes et les yeux égarés. [...] C'est l'amère poésie des retours que Beethoven a exprimé dans une de ses plus douloureuses sonates, c'est celle qui d'un bout à l'autre inspire le poème du vieil Homère, ce Nostos dont chacun de nous à son toura réitéré le sévère vertige. Ainsi le soldat après la Grande Guerre qui revient dans son village et il étreint dans la nuit cette femme, la sienne, qui se refuse à toute parole et dont le visage est couvert de larmes ! La même et ce n'est plus la même."

Paul Claudel - L'oeil écoute