18.9.06

Tristesse de l'été

"Jamais mieux qu'en ces instants, je n'avais goûté la tristesse de l'été, c'est la saison des feux d'artifice. Tout un monde prêt à disparaître jetait ses derniers éclats sous les feuillages et les lanternes vénitiennes. Les gens se bousculaient, parlaient très fort, riaient, se pinçaient nerveusement. On entendait les verres se briser, des portières claquer. L'exode commençait. Pendant la journée, je me promène dans cette ville à la dérive. Les cheminées fument : ils brûlent leurs vieux papiers avant de déguerpir. Ils ne veulent pas s'encombrer de bagages inutiles. Des files d'autos s'écoulent vers les portes de Paris, et moi, je m'assieds sur un banc. Je voudrais les accompagner dans leur fuite mais je n'ai rien à sauver. Quand ils seront partis, des ombres surgiront et formeront une ronde autour de moi."

Patrick Modiano La Ronde de Nuit